Triangle FAI de 326km en plaine

Le 25 août, Frédéric Levy réalise un triangle FAI de 326km en Swiftlight au départ de la base ULM d’Egry située au SSE de Paris

Voici son reportage photo, suivi du récit de son vol:

Vol en Swift du 25 août 2024

Une journée formidable pour le vol à voile et le vol libre s’est présentée au nord de la Loire le dimanche 25 août 2024, à la suite d’une perturbation qui a arrosé la région la veille et rafraîchi la température générale. Elle se dessinait depuis quelques jours auparavant sur les sites des prévis météo que j’utilise, occasionnant un enthousiasme grandissant à la lecture des informations qui se confirmaient de jour en jour : une journée sans nuage en début d’après-midi et un vent de secteur ouest de force modérée en altitude d’après le site « meteo-parapente », avec élévation des plafonds jusqu’à 2000 m en fin journée (de 17h à 20h !),  matérialisés à ce moment par des cumulus. Le samedi 24 et le matin du dimanche 25, les émagrammes des modèles Arome et Aeroweb prévoyaient respectivement à Egry et à Orléans la présence des cumulus dès la mi‑journée, avec un plafond vers 1000 m à 12h, vers 1500 m à 15h, et 1800 m à 18h pour Arome et une atmosphère plus sèche sans nuage pour Aeroweb. Cumulus ou thermiques purs à la mi-journée ?! Pour savoir, il fallait aller voir !

Bien décidé à profiter au maximum de la journée si elle s’avérait fumante, je suis parti du logis vers 9 heures, pour arriver au terrain une heure plus tard, en espérant décoller vers midi. Michel Moussier, toujours vaillant pour voler en ulm et notamment pour remorquer des deltistes, est arrivé lui aussi plus tôt, vers 11 heures, afin de pouvoir se saluer et discuter avant mon décollage, tandis que les tout premiers cumulus naissaient dans le ciel (Arome avait raison !). Nicolas Boucley, qui avait justement sollicité Michel pour se faire remorquer est arrivé vers 11h30. Cela faisait longtemps que nous nous n’étions pas vus, et nos retrouvailles, même brèves en ce qui me concerne, ont été bien sympathiques. J’accorde toujours une certaine admiration pour Nicolas, car l’année dernière, il a terminé sa formation d’instructeur en delta et reprend progressivement l’école de Dominique Parmentier en Seine-et-Marne (et je ne peux que saluer et remercier Dominique dans la foulée pour ses efforts depuis une bonne trentaine d’années dans la formation, avec rigueur, qualité, et bonne humeur, de ses nombreux élèves, dont j’ai également fait partie pour le biplace delta en 2001 et l’ulm pendulaire en 2005). Des personnes qui accomplissent cette démarche d’enseignement sont rares et précieuses, et méritent bien d’être encouragées.

La discussion s’est orientée vers les plans de vol pour la journée. Nicolas envisageait un triangle vers l’est, donc sous le vent par rapport à Egry, ce que je lui ai déconseillé car s’il allait trop loin, le cheminement du retour en delta pourrait être très compliqué compte tenu du vent d’ouest qui, au sol, était déjà bien sensible. Pour tenter un triangle, mieux valait à mon sens aller vers l’ouest, ainsi il pourrait dès le départ évaluer les conditions dans l’orientation la plus difficile, et en cas de difficulté, il pourrait revenir facilement au terrain poussé par le vent. Autre option, tenter une distance vers l’est poussé par le vent. Avec le ciel de cumulus qui se mettait en place, en volant cinq ou six heures, une distance de 200 km était aisément à sa portée. Mais se poserait alors le problème de la récupe et Nicolas n’était pas très chaud pour l’évoquer.

En ce qui me concerne, l’idée un peu folle, compte tenu de l’avancement de la saison et des journées qui raccourcissent, de tenter à nouveau un triangle de 300 km m’est venue en tête. Jusqu’à présent, tous les triangles que j’ai réalisés à Egry, en Atos ou en Swift, étaient plus ou moins centrés autour du terrain. Ainsi l’éloignement maximal n’était pas trop grand, et en cas de difficulté, la distance du retour sur la terre ferme, ou en vol à l’aide du moteur, aurait été acceptable, notamment dans le cas du Swift pour éviter impérativement d’épuiser la batterie en vol avant le retour au terrain… Cette option a fonctionné d’autant mieux que le vent était faible et de secteur nord, compte tenu des espaces aériens contrôlés et à éviter entre l’Ile de France et la Loire. Typiquement, par rapport au terrain, le premier point de virage était au sud dans le sens du vent, le second vers le nord-ouest, et le troisième vers le nord-est (ou inversement), de telle sorte que la dernière branche de retour au terrain en fin de journée soit facilitée par une composante de vent arrière. Mais aujourd’hui, le vent soufflait de l’ouest et il n’était pas possible de tourner mon parcours de 90°, à moins de pénétrer dans les TMA parisiennes de classe A et dans les TMA orléanaises de classe D… Une autre option consiste alors à placer le terrain à une pointe du triangle, à effectuer la première branche vers le nord-ouest avec une composante de vent de face (réalisable sans problème avec le Swift), la seconde branche vers le sud avec du vent de travers, et la branche de retour avec du vent arrière, quitte à contourner, en l’absence de transpondeur dans mon petit planeur, les zones de Bricy par le nord si elles sont actives. C’est d’ailleurs ce que j’avais réalisé au cours de mes deux vols précédents courant août, où le vent était de secteur ouest, avec un premier point de virage un peu au-delà de Chartes, un second point un peu au-delà de Châteaudun, et une convection qui se terminait trop tôt, rendant le retour au terrain très laborieux (224 km en 5h47 le 07/08 et 226 km en 5h52 le 21/08, vols non déclarés à la CFD). Ce fut par ailleurs émouvant de redécouvrir les contrées au-dessus desquelles on volait souvent au départ du terrain d’Aigneville, les deltas étant remorqués à l’époque par l’ulm qui est basé depuis à Egry (le terrain et son hangar n’existent plus, ils ont été rendus à la nature, leur surface a été transformée en un champ de cultures).

Ce dimanche 25 août, j’avais donc l’intention de ressortir le même plan de vol, en repoussant mes limites un peu plus loin et en me disant « cette fois, soyons fou » ! Pour atteindre un triangle FAI d’au moins 300 km, je visais un premier point de virage carrément à Nonancourt, sur la N12 à l’ouest de Dreux, un second point de virage à Vendôme, en envisageant le retour avec l’aide du vent arrière et des plafonds élevés qui étaient supposés exister tardivement d’après les prévis, et en espérant enfin que la base aérienne de Bricy fût inactive ce dimanche, autorisant un retour direct par la forêt d’Orléans. A conditions météo exceptionnelles, parcours de vol exceptionnel !

Pendant ce temps, la convection s’installait et le ciel se chargeait de cumulus. Assez bavardé, le moment était venu de décoller. Mon planeur était prêt, les plots sur les cent premiers mètres de la piste ont été écartés au maximum, et mon auto avec la remorque du Swift ont été garées près du hangar. Pour m’informer en l’air du statut du jour des TMA d’Orléans, j’ai pris soin d’emporter ma radio aviation. Par vent de secteur ouest, il est judicieux de décoller vers le nord, car le vent incline alors le planeur dans le sens opposé à celui imposé par le couple moteur, dont l’effet est maximal au cours du roulage. Naturellement, le vent au sol, temporairement généré par les thermiques, s’est orienté au sud-ouest, donc en secteur vent arrière pour le décollage… Alors j’ai attendu une accalmie avant de tourner le potentiomètre à son maximum. Une fois le planeur en ligne de vol, les gouvernes de lacet ont agi rapidement et efficacement pour rester sur l’axe de la piste avant de quitter le sol, grâce au petit outil amovible que j’ai confectionné et qui bloque la mobilité de la roue avant. Il était midi un quart. Un quart d’heure de plus que l’horaire maximum prévu. Un quart d’heure, ce n’est pas grand chose, mais cela peut faire la différence en fin de journée lorsqu’on peine à rentrer tandis que la convection s’amenuise. D’un autre côté, un quart d’heure trop tôt peut être aussi fatal en delta si les plafonds sont trop bas ou si la convection ne s’est pas encore bien établie, ce qui n’était pas le cas ce dimanche. Nicolas décollera plus tard, le temps de digérer son sandwich (chacun voit midi à sa porte !) et d’attendre une élévation de la base des nuages, qui, vue du sol, ne semblait pas bien haute.

Finalement, j’ai décollé au bon moment, car loin de trouver un ascenseur dès 200 m sol qui m’aurait propulsé directement au plafond, j’ai dû tricoter et rallumer deux fois le moteur, à 65% de sa puissance pour économiser la batterie, avant d’enrouler un thermique tranquille qui m’a emmené en dix minutes à la base du nuage à 1050 m sol (1150 m QNH). J’ai consommé 1/6ème de la batterie, il me restait 50 Ah de disponible. Les conditions ne semblaient pas sensationnelles, mais qu’à cela ne tienne : l’homogénéité de la masse d’air était bien établie, le ciel était pavé de cumulus dans toutes les directions, et les plafonds allaient s’élever au cours de la journée. C’est parti en direction du nord-ouest ! Jacques Bott, mon instructeur et vendeur de mon Swift, grand compétiteur de vol libre, m’avait dit déjà en 2021 : « il faut voler plus vite » ! Alors trois ans plus tard, je n’hésite plus, quand il y a des thermiques partout, à pousser sur le manche pour afficher en transition une vitesse air de 90 km/h, voire 100 km/h, surtout s’il y a une certaine distance à parcourir avec du vent de face. Le pilote peut aussi s’avancer en se recroquevillant sur le hamac qui sert de siège, de façon à déplacer le centrage du planeur vers l’avant, ce qui permet de voler plus vite sans trop agir sur le manche, donc en minimisant la traînée, les volets étant également ajustés pour être dans le même plan que les ailerons. Mais cette position n’est certes pas confortable à tenir dans la durée.

En ce début de vol, les plafonds n’étant pas très hauts, j’ai préféré assurer l’altitude en enroulant tous les thermiques que je croisais. C’est seulement plus tard, avec des plafonds plus élevés au cours de la journée, que je pouvais me permettre d’ignorer certains thermiques jugés trop faibles ou de quitter une pompe faiblissante pour tracer la route sans même avoir atteint la base du nuage. Cela dit, quand il m’est arrivé de me retrouver à 400 m sol (au nord de Pithiviers, trois quart d’heure après le décollage), ou à un autre point bas à 600 m sol (vers 14h près de la A10), je ne faisais pas la fine bouche et j’enroulais vraiment tout ce qui se présentait. Avec un succès souvent mitigé, car les thermiques étaient capricieux à mes yeux, et ceci tout au long de la journée, m’obligeant régulièrement à tricoter avant de me trouver dans le noyau, quand il m’arrivait de le croiser. La progression au début a été plutôt laborieuse : au bout de la première heure, je n’avais parcouru que 23 km. Je devais vraiment me débrouiller pour augmenter ma vitesse moyenne. Au bout de la deuxième heure, j’en étais à 64 km depuis Egry, c’était un peu mieux. J’ai quitté le sommet d’un thermique juste à l’est de l’aérodrome de Chartres environ 2h30 après le décollage, à 79 km du terrain (contournement du coin de la TMA Paris 5 par le village de Ouarville, aisément repérable avec sa rocade). Entre temps, le plafond maxi est monté à 1660 m QNH dans le secteur et les meilleures pompes ont donné du 3,3 m/s intégré. C’était encourageant, et j’ai poursuivi ma route vers le nord-ouest.

Une courte frayeur du jour : vers 13h50 peu avant d’atteindre la A10, à 850 m sol environ, j’ai aperçu juste devant moi, à la même altitude un point lumineux rouge ressemblant à un laser qui se rapprochait. Une attention visuelle plus concentrée m’a révélé qu’il s’agissait d’un planeur qui fonçait droit vers moi, gloups ! Immédiatement, j’ai balancé mon Swift du côté qui me semblait le plus approprié, en l’occurrence la gauche. Le planeur n’a amorcé aucune manœuvre d’évitement. J’ai reconnu un ASH25 mais je n’ai pas pu lire l’immatriculation. Cela s’est passé très vite. Cela m’étonnerait fort que le pilote à l’avant n’ait pas vu mon Swift avant qu’il apparaisse sur leur côté. Peut-être était-il en formation. Il est clair que dans mon petit planeur, je ne peux pas installer un FLARM, comme dans tous les planeurs d’aujourd’hui pour contribuer à prévenir les risques de collision. Au moins, j’ai pu voir le laser, à moins que ce ne fût juste un affichage tête haute, rendant plus inquiétante l’absence de réaction des pilotes ! Aucune trace de ce planeur passant par ce lieu ce jour et à cette heure n’a été déclarée sur le site de dépôt des traces GPS des planeurs (netcoupe.net).

Après Chartres, il me restait encore une quarantaine de kilomètres à parcourir pour atteindre mon premier point de virage. Au moins une heure un quart de vol à la vitesse où j’avançais. Les conditions étaient bonnes, je n’avais pas d’inquiétude. J’étais concentré et vigilant autant que possible, tout en m’accordant de nombreux instants de contemplation du paysage, et je faisais de mon mieux pour piloter finement dans les thermiques et optimiser la montée, et pour prendre les bonnes décisions au bon moment concernant le cheminement. J’en ai profité pour redécouvrir avec grand plaisir les paysages de la vallée de l’Eure et de la région du Drouais, que j’ai survolées seulement six fois dans ma vie de deltiste entre 2007 et 2019, au départ d’Aigneville, de Jeufosse, et de Clécy. Vers 15h30, j’atteignais enfin la N12 à l’ouest de Dreux. Une fois refait le plein d’altitude sous les barbules du nuage, il me restait à peine 4 km pour survoler Nonancourt. Peut-être un quart d’heure de plus aller-retour. Mais cela aurait été un quart d’heure de moins à la fin de la journée. A 15h40, le GPS indiquait un éloignement de 114 km par rapport à Egry, que j’ai donc parcouru en 3h25. C’est beaucoup. J’estimais néanmoins que mon éloignement était suffisant. La journée était bien avancée, et ma petite voix me disait qu’il était grand temps de quitter le secteur pour me diriger vers le sud. Je l’ai écoutée en étant confiant.

N’ayant jamais appris à gérer les « waypoints » et autres « goto » sur mon instrument de vol et de navigation, notions utilisées en compétition dont je ne cache pas mon absence d’affinité, les seuls éléments de navigation dont je dispose sont la position du soleil en fonction de l’heure, le compas du GPS (quand celui-ci reçoit correctement les signaux d’au moins quatre satellites), et aussi tout simplement les repères visuels au sol (pour autant que la géographie des lieux me parle). En cas de doute, j’ai également placé à côté de la batterie une carte aéronautique au 1/500000ème , en n’ouvrant si nécessaire que un ou deux plis pertinents. Bref, je pratique la navigation à l’ancienne (à l’échelle du vol à voile). Pour aller vers le sud, il suffisait alors de suivre une route passant par l’ouest de Chartres, l’agglomération constituant un magnifique point de visée, puis de suivre la N10 vers Bonneval et au-delà. Un examen ultérieur plus attentif sur la carte me révèlera que j’aurais pu viser directement Courville-sur-Eure puis Illiers-Combray, que j’ai déjà survolée cette année, cela m’aurait permis de réduire la distance à parcourir pour atteindre mon objectif au sud. Le vent météo étant maintenant orienté en travers de ma route et non plus de face, la progression est devenue avantageusement plus rapide. J’ai atteint la partie ouest de Chartres seulement 50 mn après mon premier point de virage, et le ciel vers le sud était toujours aussi bien garni de cumulus. A partir de Bonneval, on entre dans les TMA gérées par la base aérienne de Bricy. Si la TMA Orléans 7, centrée au-dessus de Châteaudun, était certainement inactive, comme c’est souvent le cas tous les après-midi, il n’était pas certain que les autres TMA et la CTR le fussent aussi, la base aérienne étant activable H24. Ayant allumé et laissé ma radio en veille sur 122,7 Mz (fréquence de la TWR d’Orléans), une simple pression sur le bouton d’émission déclenchait un répondeur automatique qui indiquait que la base était fermée et que toutes les zones qui en dépendent étaient en classe G. Il était également interdit de survoler la base à moins de 1400 ft QNH (427 m). C’était une bonne nouvelle !

Au sud de Bonneval, la N10 s’oriente vers le sud-ouest, occasionnant pour mon planeur une progression ralentie à nouveau par une composante vent de face. Moment de rêverie, les méandres du Loir vus du ciel étaient très beaux. Au cours de ma progression le long de la deuxième branche, donc selon un axe globalement nord-sud, la distance depuis Egry indiquée sur le GPS diminuait, passait par un minimum, et remontait. En visant à nouveau comme point de virage un éloignement d’une centaine de kilomètre par rapport au terrain sur la route vers Vendôme, il y avait de bonnes chances pour que cette deuxième branche soit le second côté d’un triangle équilatéral, ou du moins le côté le plus petit d’un triangle isocèle, dont la longueur valait au moins 28% du périmètre du triangle pour que celui-ci soit qualifié FAI. N’étant pas du tout certain de pouvoir atteindre Vendôme sans compromettre mes chances de retour au terrain, les cumulus devenant plus épars avec la fin de l’après-midi (j’ai quitté Châteaudun à 1800 m QNH vers 17h30), je me suis dit que cette option était un bon compromis entre l’audace et la sécurité.

A la faveur d’un bon thermique qui m’a emmené sous un beau nuage à 1880 m QNH, j’ai donc poursuivi ma route vers le sud-ouest jusqu’à atteindre un éloignement de 101 km par rapport à Egry, puis j’ai viré pour prendre un nouveau cap vers l’est-nord-est, avec comme points de repère aisément identifiables, le nord de la forêt de Marchenoir, la base aérienne de Bricy et bien entendu la grande forêt d’Orléans. Il était 18h05, c’était le moment de vérifier la véracité des prévis météo. Car en cas d’évanouissement prématuré de la convection, à cette distance du terrain, le retour à Egry me serait apparu très difficile, même à 50% de la puissance du moteur, même par vent arrière. Mais les choses se présentaient plutôt bien, le ciel étant encore assez bien garni de cumulus haut perchés dans la direction d’Orléans. Les thermiques étaient plus rares et me rehaussaient au gré de la quantité de chaleur restituée par la forêt ou les bosquets qui jalonnaient ma route. Ils étaient suffisants pour me maintenir à une altitude honorable tandis que le vent arrière faisait son œuvre. Un immense cumulus du soir trônait au loin vers l’est quasiment au-dessus de la base aérienne. Le tarmac et les autres installations devaient probablement continuer à chauffer. Mais il était décemment hors de portée. La chance m’a souri lorsqu’un nouveau cumulus s’est formé un peu au nord de ma route, alimenté par un bon thermique venu je ne sais d’où, peut-être d’un champ de cultures un peu plus dense que ses voisins, et qui m’a gentiment remonté à 1910 m QNH dans les barbules. Dix minutes plus tard, je survolais la base aérienne, et, bingo, le thermique espéré était toujours actif. Il m’a remonté jusque vers 1800 m QNH, et il suffisait ensuite de louvoyer à basse vitesse vers l’est toujours sous le nuage pour gagner 100 m supplémentaires, c’était génial ! Pendant ce temps, j’admirais le paysage au soleil déclinant : la grande forêt d’Orléans, la grande agglomération, la Loire, la base aérienne où quatorze gros avions de transport étaient bien alignés en stationnement. A ce moment, j’étais sûr de renter au terrain, qui était encore à plus de 50 km, en longeant la lisière de la forêt, et en profitant des derniers thermiques de restitution. Tant et si bien qu’en arrivant à Egry, je disposais encore d’une hauteur de 680 m sol, alors je me suis autorisé une petite extension de 5 km vers l’est, histoire d’agrandir un peu le triangle, avant d’atterrir vers 20 heures le soleil sur l’horizon.

Sentiment d’une grande plénitude, de bonheur d’avoir pu profité au maximum d’une journée de vol formidable, et d’une profonde gratitude envers Dame Nature qui nous a offert cette si belle journée. La quiétude et le silence du soir sur le terrain participaient à la magie et au bonheur du moment. Le côté pragmatique des choses m’a vite ramené les pieds sur terre : en cette période de fin août, il fait nuit vers 21 heures. Déjà, la rosée du soir tombait rapidement, notamment sur les ailes, ce qui était bienvenu pour faciliter le nettoyage des bords d’attaque et des gouvernes. Ensuite, j’ai terminé de démonter mon planeur et de le ranger dans la remorque à la lampe torche, j’ai remis les plots en place sur la piste aux phares de la voiture, j’ai rangé la remorque dans le hangar vers 22h30, et le temps de tout remettre en ordre et de fermer le hangar et le portail, je suis reparti tranquillement vers mon logis aux alentours de 23 heures, la tête pleine de beaux souvenirs qui se bousculaient et les yeux encore éblouis par cette journée magnifique de vol libre.

Mon  vol a duré 7h42 et j’ai parcouru… 326 km en triangle FAI ! La trace GPS est disponible sur le site : https://delta.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20367758 . Les trois points de virage ont été : Saint-Rémy-sur-Avre (28), Pezou (41), et Bordeaux-en-Gâtinais (45). La masse d’air a été bien homogène sur toute la région, et la promesse de plafonds élevés jusque tard en fin de journée a été vérifiée. Les vitesses moyennes le long des trois branches ont été de 33,69 km/h pour la première vent de face (pas terrible), 41,37 km/h pour la seconde vent de travers (c’est déjà mieux), et 59,44 km/h pour la dernière vent arrière (c’est royal !). Ce vol est mon second plus beau vol en Swift, le premier étant celui où j’avais traversé le massif des Ecrins le 2 août 2022, en solitaire derrière les compétiteurs en classe 2 (le récit de cette journée est toujours en cours d’écriture). L’arrivée du Swift 3 en 2025 ne peut que renforcer l’enthousiasme de réaliser des vols formidables.

Frédéric

 

Share